Evelyne Féau et Frédéric Kochman - Grand-Mercredi

Rencontre

Evelyne Féau et Frédéric Kochman

Du syndrome de la « super grand-mère » aux privilèges de la relation grand-mère/petits-enfants, la psychothérapeute Evelyne Féau et le Docteur Frédéric Kochn, pédopsychiatre et coordinateur médical de la Clinique Lautréamont à Loos (Nord), répondent à nos questions sur le rôle que vous avez à jouer.


Rencontre

Evelyne Féau et Frédéric Kochn

Du syndrome de la « super grand-mère » aux privilèges de la relation grand-mère/petits-enfants, la psychothérapeute Evelyne Féau et le Docteur Frédéric Kochn, pédopsychiatre et coordinateur médical de la Clinique Lautréamont à Loos (Nord), répondent à nos questions sur le rôle que vous avez à jouer.

Quand les Petits-Enfants deviennent de « grand Petits-Enfants », pas facile de trouver ses marques. Spécialiste de la famille et auteur de « Le burn out parental », la psychanalyste Liliane Holstein nous donne les clés pour ne surtout pas couper le fil avec ces ados, ces adultes en devenir, des hypersensibles avant tout.

Être grand-mère, est-ce que cela s’apprend ?

FK


Etre grand-mère, comme être mère, ne s’apprend pas dans les livres, mais dans nos expériences de vie personnelles, trans-générationnelles. Beaucoup de grands-mères m’évoquent leur statut de grand-mère en le comparant à leur statut de mère : nettement plus apaisé, décomplexé, plus cool quoi !

EF


C’est en effet un apprentissage. On devient grand-mère en même temps que l’enfant devient petit-enfant. Mais si la grand-mère retrouve les mêmes gestes que ceux qu’elle avait en tant que mère, elle ne vit pas sa relation avec ses petits-enfants de la même façon, profitant d’une plus grande disponibilité. Moi-même, jamais je ne me serais dit – avant de devenir grand-mère – combien j’étais à ce point passée à côté de certains moments avec mes propres enfants. Grâce à leurs petits-enfants, auxquels elles sont entièrement dédiées, les femmes se découvrent autrement, sous une autre facette. Et malgré le stress et la responsabilité dont elles se sentent investies lorsqu’elles s’en occupent, cela reste un émerveillement.

La Grand-Mère, bien qu’elle s’en défende parfois, a-t-elle un rôle éducatif à jouer envers ses petits-enfants?

EF


Si l’on veut pouvoir continuer à faire sereinement des choses avec eux, il faut se sentir respectée. Alors, évidemment, s’ils font des bêtises, mieux vaut sévir et couper court à l’accumulation des caprices. En revanche, en présence des parents, il est important de savoir s’effacer. Et si un parent refuse telle chose à son enfant, il ne s’agit pas d’aller ensuite à l’encontre de cette décision.

FK


Le rôle éducatif de la grand-mère est majeur. Beaucoup de grand-mères de notre génération sont jeunes, modernes, bien souvent pleinement insérées dans une vie active, et ainsi très au fait des passions, des émotions, des centres d’intérêts de leurs petits-enfants. De ce fait, la grand-mère d’aujourd’hui peut bien souvent jouer le rôle de confidente de ses petits-enfants, donner des conseils avisés, avec plus de temps pour écouter et réfléchir avec eux. En cela, cela participe grandement à leur éducation. Mais il est aussi important pour les parents d’adouber les grands-parents dans leur rôle de sécurité, d’autorité et de participation à l’éducation, lorsqu’ils ont la garde – même très temporaire (une soirée, un week-end….) – de leurs petits-enfants. En d’autres termes, cela signifie : « Mes chéris, nous vous confions ce soir à vos grands-parents ; nous leur déléguons pour ce temps notre autorité. En notre absence, ce sont eux les capitaines du bateau ».

La notion de transmission est fréquemment mise en avant dans le rapport intergénérationnel. Où commence et où finit-elle ?

FK


La transmission touche avant tout les valeurs, l’histoire d’une famille. Elle inclut les traditions parfois régionales, parfois internationales. Pour ma part, je suis un pédopsychiatre d’origine polonaise et continue à vivre avec plaisir et nostalgie les traditions culinaires polonaises des fêtes de Noël, par exemple. Nous savons aujourd’hui que cette transmission est inscrite dans les gènes, dans l’ADN de nos petits-enfants : c’est ce qu’on nomme l’épigénétique. L’ADN de nos enfants et petits-enfants a en mémoire des événements marquants de la vie de leurs ascendants. Faire découvrir comme dans une saga l’histoire de la famille, parfois sur plusieurs générations, inscrit les petits-enfants dans une structuration solide de leur vie, dans le temps et l’espace. Un très beau projet à construire avec les grands-parents : un arbre généalogique géant de toute la famille !

EF


Personnellement, je préfère leur raconter des anecdotes ou leur parler de détails amusants. Une chose est sûre : avec des mots choisis, on peut tout dire à un enfant. Et s’il pose des questions, vous n’avez pas à fuir. Car il va se rassurer grâce à ce que vous lui direz; sinon, c’est son imagination qui prendra le pas, et celle-ci est bien plus angoissante que la réalité.

Dans quelle mesure la relation qu’un enfant entretient avec sa Grand-Mère est-elle complémentaire de ce qui l’unit à ses parents ?

EF


L’un des rôles principaux de la grand-mère est de faire avec ses petits-enfants ce que les parents ne leur font pas faire, faute de temps. Ces moments de partage requièrent une certaine organisation ; des efforts auxquels les petits-enfants sont sensibles.

FK


Dans de nombreux cas, les liens avec ses parents sont marqués par le stress, le manque de temps, la pression des jours de semaine, les devoirs, etc… En revanche, un week-end avec sa grand-mère va se visualiser souvent de manière plus positive : en mode « pause », au calme, comme l’évoquent les jeunes sur leurs réseaux sociaux (« oklm… », écrivent-ils en langage SMS).
La grand-mère, on l’imagine d’emblée plus sereine, souriante, avec le plaisir d’aimer ses petits-enfants sans la pression de l’éducation quotidienne, de la réussite scolaire. La grand-mère peut donc renforcer; amplifier ces moments forts et pleins d’amour par des moments passés ensemble, au cours desquels on a le temps de s’aimer, de rire, de réfléchir au présent, à l’avenir, en toute quiétude et douceur.

Que diriez-vous aux grand-mères qui mettent un point d’honneur à assumer seules – et sans aide extérieure (de type nounou ou jeune fille) – la garde de leurs Petits-Enfants sur des périodes plus ou moins longues (week-end, vacances…) ?

EF


Les grand-mères qui cherchent à tout contrôler espèrent une sorte de reconnaissance de leur rôle de « super grand-mère ». Personne ne doute qu’elles en soient capables, mais il est tout aussi important de connaître ses limites. Alors je leur dirais simplement : « Ce n’est pas parce qu’on vous prête main forte que l’on vous considère comme une mauvaise grand-mère ».

FK


De mon point de vue, cela est très positif ! Assumer la garde de leurs petits-enfants est une évidence pour beaucoup de jeunes grands-mères de 45 ans, qui font dix ans de moins que leur âge, en plein équilibre de vie, sportives, battantes. Elles sont de superbes modèles de vie pour leurs petits-enfants. J’ai très souvent entendu dans mon cabinet des jeunes patients me dire : « J’espère que je serai comme ma grand-mère à son âge! ». C’est le plus beau compliment que l’on puisse leur faire !

Écouter la voice note d’Alain Baraton

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