Interview d'Amandine Deslandes : Simone Veil, pilier de famille avant tout - Grand-Mercredi

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Interview d’Amandine Deslandes : Simone Veil, pilier de famille avant tout

 

Vous connaissez bien sûr  Simone Veil féministe, Simone Veil politicienne, et les combats qu’elle a menés… Mais connaissez-vous Simone Veil mère et Grand-Mère de famille ? Chez Grand-Mercredi, on aime les petites histoires qui se cachent derrière la grande… Alors on vous parle de cette grande dame comme vous n’en avez pas l’habitude, à travers son rôle de mère et sa place au sein de sa famille. Parce que Simone Veil était sans conteste une Grand-Mère hors du commun !

Pour cela, nous avons eu le plaisir d’interroger Amandine Deslandes, auteure de Simone Veil, mille vies, un destin, paru aux éditions City. Un livre à dévorer cet été, pour les passionnés de biographies, et tous les autres !

 

Grand-Mercredi : Simone Veil construit sa propre famille très jeune. Vous écrivez qu’elle a cet instinct de vie, cette “boulimie de reconstruction”, alors qu’elle a vécu très jeune la déportation. En quoi fonder une famille l’aide-t-elle à se reconstruire, même si les blessures du passé ne s’effaceront jamais ? 

Amandine Deslandes : Elle avait peur du vide, elle avait besoin de remettre du vivant dans sa vie, elle qui savait ce qu’était la mort. Elle disait aussi qu’elle avait besoin d’être occupée, beaucoup. Elle suivait ses cours certes, mais elle avait besoin de plus, et même si ses trois enfants n’ont jamais eu pour but de remplacer sa famille disparue, ils ont comblé ce vide.

 

G.M : En même temps, vous écrivez que l’importance de sa famille est parfois presque un poids. Qu’est-ce que le mot “famille” représente pour elle ?

A.D : Tout d’abord, je suis très heureuse de pouvoir parler de Simone Veil et de sa famille, car on pense souvent à elle en mettant en avant ses combats politiques et féministes, mais on la connaît moins en tant que pilier de sa famille. Pour Simone Veil, la famille était une valeur cardinale. Elle a été élevée dans cette tradition-là. Son père était certes quelqu’un de distant, mais sa mère était un ciment formidable pour sa famille de 4 enfants. Elle a grandi au sein d’une famille soudée. À son tour, en grandissant, puis en créant sa propre famille, elle a entretenu ce rôle de ciment. Avec toutes les responsabilités que cela implique.

 

G.M : Selon vous, quelle mère était Simone Veil ? 

A.D : Je pense qu’elle a eu deux phases dans sa maternité : d’abord celle où elle n’a été que maman, où elle ne travaillait pas, très présente et dévouée au quotidien. Puis il y a eu une époque où elle a été plus lointaine. Aussi, comme il y a un peu d’écart entre son deuxième et son troisième fils, je pense que les deux premiers et le petit dernier n’ont pas eu la même mère. C’est normal, sa vie a évolué entre-temps. Ce qui ne l’a jamais empêchée d’être une mère aimante. Et ses fils le disent, ils savaient qu’ils pouvaient compter sur elle. 

 

G.M : Comment gère-t-elle sa vie de mère, de femme, de politicienne ? 

A.D : C’était compliqué de faire front, elle expérimente ce que toutes les femmes vivent : ce phénomène d’être douée partout, en tant que mère, que femme, dans son travail. Même si c’est vrai qu’elle avait une capacité de travail supérieure à la moyenne, mais surtout une volonté de faire changer les choses, qui la portait. Mais il y avait des moments, elle le reconnaissait, où ses fils étaient un peu livrés à eux même. J’adore cette anecdote : ils voulaient l’accompagner à un salon et elle leur a répondu : “vous savez, les salons c’est le genre d’endroit où on se perd, le mieux, c’est que vous y alliez tous seuls !”. C’est très représentatif de sa façon de voir les choses : elle avait à coeur de leur transmettre le sens des responsabilités très jeunes. Et cela leur a bien servi dans leur carrière, par la suite. 

 

G.M : En quoi le couple qu’elle forme avec Antoine révolutionne le modèle familial des années 50 ? En quoi contraste-t-il avec celui que formaient ses parents ?

A.D : J’adore le couple d’Antoine et Simone Veil ! Pour moi, c’est une histoire d’amour presque parfaite : ils se sont rencontrés très jeunes, ils sont passés par beaucoup de moments difficiles et en même temps, ils sont restés soudés jusqu’à la fin. Ils ont tout traversé ensemble. C’est un modèle formidable pour nous, aujourd’hui, alors que les couples (mariés ou non d’ailleurs) se défont si facilement, sans même se battre, parfois. Pour Antoine, qui a évolué dans un milieu parisien, bourgeois, politisé, ce n’était pas simple de se retrouver dans une position de “mari de”. Il disait lui-même que c’était un “macho qui s’est soigné”. Simone Veil a toujours été très dévouée à son mari, mais aussi très déterminée face à lui lorsqu’elle a exprimé le souhait de vouloir travailler. Elle disait d’ailleurs que ce sujet a été l’une de leurs plus grandes disputes : elle a laissé passer tout le reste, mais elle s’est accrochée à son indépendance. Ce qui ne l’a pas empêchée de se consacrer à sa famille et d’élever ses enfants le moment venu, en mettant sa carrière sur pause puis en la reprenant. Et ce modèle-là, qu’ils ont créé, était assez formidable pour l’époque. Ils ont fait des concessions l’un pour l’autre, mais ne sont jamais restés ensemble par dépit. Pour moi, c’est une belle leçon !

 

G.M : Lorsque son dernier bébé tombe malade, elle peut compter sur l’aide de sa belle-mère. Elle qui n’a plus sa famille, quelles relations entretient-elle avec celle d’Antoine ? 

A.D : Elle a une relation merveilleuse avec sa belle famille. Quand elle rencontre Antoine, elle rencontre aussi sa famille, dans laquelle elle trouve beaucoup de similitudes avec la sienne. Elle s’est tout de suite sentie comme dans sa propre famille, elle a pu partager les mêmes valeurs. La famille de son mari a donc pu être un véritable soutien pour elle.

 

G.M :  Lorsqu’elle commence à travailler pour l’école de la magistrature, elle souhaite en premier lieu être juge pour enfants. Pourquoi cet attachement si particulier aux enfants ? 

A.D : Elle a vu beaucoup de familles déchirées avec la Shoah, elle a vu énormément d’orphelins. Après ça, elle a eu cette volonté particulière de réparer les familles. Elle a notamment travaillé sur la loi de l’adoption. Elle est moins connue, mais tout aussi fondatrice que la loi sur l’Interruption Volontaire de Grossesse. Cette loi qui œuvre pour la construction des familles aurait pu être tout autant la loi Veil. Pour elle, le droit de l’enfant était souverain. En tant que défenseur des droits de l’Homme, elle pensait à juste titre que les enfants ne pouvaient pas se défendre seuls, et qu’elle devait donc porter leur voix. 

 

G.M : Simone Veil élève 3 garçons. Pour elle qui a plutôt grandi dans une maison entourée de filles, qu’est-ce que cela change ?

A.D : C’est vrai que Simone a grandi dans un modèle plutôt matriarcal ! Enfant, Simone Veil avait déjà du caractère, et son frère avait parfois du mal à trouver sa place dans cette famille de sœurs. Alors quand elle se retrouve à élever des garçons, elle a bien sûr découvert aussi une autre façon de fonctionner. En même temps, c’est formidable ! Quoi de mieux, quand on défend le droit des Femmes, que d’élever des garçons ? Elle a eu la chance de pouvoir commencer par changer les choses au sein de sa propre famille. 

 

G.M : En quoi le souvenir des membres de sa famille disparus continue de vivre à travers sa propre famille ?

A.D : Elle n’a pas cultivé le souvenir des membres de sa famille de la même manière. Je pense que sa famille disparue dans les camps de la mort, son père, sa mère, son frère, sont toujours restés avec elle, en elle. Mais elle était incapable de parler de son frère et de son père, c’était trop douloureux, quand en revanche elle parlait de sa mère, de façon très touchante. Le plus terrible a sans doute été la perte de sa sœur Madeleine, qu’elle appelait “Milou”. Quand on est rescapée des camps de la mort aux côtés de sa sœur, la perdre dans un “banal” accident de voiture est presque surréaliste. Simone Veil était une femme pudique, elle ne cachait pas ce qu’elle avait vécu, mais en même temps elle ne souhaitait pas l’étaler. 

 

Pour découvrir Simone Veil sous un nouveau jour, on ne peut que vous conseiller cette biographie passionnante.  Simone Veil, Mille vies, un destin, est disponible aux éditions City.

 

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