Comment préserver le lien avec son Petit-Fils/sa Petite-Fille devenu(e) adolescent(e) ?
LH
On imagine à tort que les gens de générations différentes ou opposées – comme Grands-Parents/Petits-Enfants – n’ont rien à se dire, ni à partager. Or, les Grands-Parents sont, comme les ados, à une période de leur vie où ils ont eux aussi besoin d’être compris, écoutés, entendus. Ce qui, déjà, établit entre eux un lien de communication. La Grand-Mère peut elle aussi se confier légèrement, dire à son Petit-Fils par exemple : « Tu sais, moi aussi, en ce moment, je me remets en question… Je sais ce que tu ressens ».
Ensuite, même si pour pouvoir grandir et sortir de l’enfance les adolescents ont besoin de « casser » leurs idoles – c’est-à-dire leurs parents, ceux qu’ils ont le plus aimés –, il n’en va pas de même avec les Grands-Parents, au contraire. Auprès d’eux, les adolescents viennent chercher l’expérience d’adulte, la sagesse, la patience, la tolérance… Tout ce qui viendra de leurs Grands-Parents, les ados ne le rejetteront pas. Par exemple, un adolescent aura beaucoup de plaisir à savourer la recette préférée que sa Grand-Mère lui aura préparée en souvenir de leurs vacances ensemble ; alors qu’il considèrera que sa mère est à côté de la plaque si elle revient d’un magasin avec un jeu qu’il adorait étant enfant en lui disant « Regarde ce que j’ai trouvé… ».
Quels conseils donneriez-vous aux Grand-Mères qui veulent continuer à jouer un rôle dans la vie de leur Petit-Enfant sans rien lui imposer ?
LH
Tout d’abord, il faut se tenir au courant de tout ce qui l’intéresse : ce qu’il lit, les films qu’il regarde, les endroits qu’il fréquente avec ses amis, quels sont ses rêves du moment… Pour cela, il faut échanger directement avec lui, rechercher une forme de connivence. «Qu’as-tu vu récemment comme série ? Laquelle me conseilles-tu ?… ». Par ailleurs, mieux vaut voir l’adolescent le plus possible en dehors du cadre parental – ou lui téléphoner – afin d’établir une complicité. En présence des parents, il risque d’y avoir trop d’interactions inconscientes entre générations, des frustrations qui ressortent et qui, même silencieuses, créent un malaise. De même, si elles sont exprimées, le Grand-Parent peut se retrouver en porte-à-faux et, de par sa réaction, casser le lien. Troisième et dernier conseil : rester dans la vie et se sentir vivant. Rester à la page, ne pas être perdu devant un ordinateur, aller au Salon du livre rencontrer les auteurs de BD… Lancés à fond dans leur énergie vitale, les adolescents détestent voir leurs Grands-Parents vieillir. Dotés d’une acuité fabuleuse à cet âge, beaucoup plus lucides qu’on ne l’imagine sur les failles de leurs aînés, les ados voient tout ! On ne peut plus les duper mais ils demeurent un « méga-moteur » extraordinaire pour leurs Grands-Parents.
L’adolescence est généralement associée à une phase de désintérêt pour la cellule familiale. Est-ce normal ?
LH
Non seulement c’est normal…mais c’est indispensable ! Entre 13 et 16 ans, les jeunes de détachent de la famille pour se tourner vers une vie extérieure et sociale. Ils forment alors des tribus qui ne doivent surtout pas ressembler à leur famille, jugée tantôt ringarde, tantôt stupide, au même titre que beaucoup d’autres choses d’ailleurs. Mais bizarrement, avec les Grands-Parents, les adolescents vont rechercher cette régression. Puisqu’ils sont en pleine réflexion sur leur ligne de vie et qu’ils ne veulent surtout pas se référer aux critères de leurs parents, ils se tournent vers leurs Grands-Parents, témoignages vivants de leurs origines. Il n’est alors pas superflu pour une Grand-Mère, par exemple, d’aller se balader dans les rues qu’elle fréquentait avec ses amis à l’adolescence ; ou, pour un Grand-Père, de montrer à son Petit-Fils combien la musique qu’il écoute aujourd’hui trouve une résonance dans celle qu’il écoutait lui-même à son âge… C’est comme cela que l’on établit des ponts entre l’avant et le maintenant.
Le « non » est omniprésent à cet âge-là. Vis-à-vis des parents, comment la Grand-Mère peut-elle se positionner ?
LH
En empruntant un ton plus léger que celui des parents et en faisant comprendre à son Petit-Fils ou sa Petite-Fille que ce qu’il/elle traverse est commun à toutes les générations. Dès lors, ne pas hésiter à dire : « Moi aussi je suis passée par là et mes propres parents me tapaient sur le système ». Ca dédramatise tout de suite la situation et ça sort le jeune de sa condition de « pauvre ado incompris ». En revanche, ne jamais jouer l’arbitre entre l’adolescent et les parents. Et ne pas profiter de ces tensions, non plus, pour régler inconsciemment ses comptes avec ses propres enfants.
Et après…, ça va mieux ?
LH
Oh oui ! Entre 16 et 20 ans, et si les Grands-Parents ont réussi à apporter de la légèreté au lien, les Petits-Enfants reviennent avec encore plus de plaisir qu’avant échanger, partager… Et quand ils entrent dans la vie adulte et que les incompréhensions ont disparu, alors là…c’est génial !
A lire
Grands-Parents, Petits-Enfants : le lien vital, un best-seller de 1988 qui ne se trouve plus que d’occasion mais qui creuse intelligemment les bases de ce qui forge cette relation si particulière.
Le 14e poisson rouge (de Jennifer L.Holm, éd. Flammarion Jeunesse). A offrir aux collégiens de la famille, qui se demandent encore si un Grand-Père peut-être un complice dans la vie. A commander chez votre libraire.